10 minutes avec...Mathieu Lefevre
Issu de la promotion de 1993, après des études à Harvard et à The London School of Economics, Mathieu passe sept ans au sein des grandes organisations mondiales (Banque mondiale, ONU), avant de s’orienter vers l’activisme. Ses deux passions – l’urbanisme et la diversité – l’amènent à fonder plusieurs ONG et think-tanks, dont The New Cities Foundation, Make.org, et More in Common, dans lesquels il reste toujours engagé.
Vous êtes un adepte des situations délicates, si l’on juge par le début de votre carrière dans des pays en situation de guerre ou de crise, notamment la République démocratique du Congo, où vous travaillez sur des questions de gouvernance et de corruption ; ensuite pour l’ONU dans l’Afghanistan, où vous vous êtes incrusté au sein d’une équipe de forces spéciales américaines qui traquaient des terroristes ; et enfin dans le Liban, où vous étiez conseiller politique pour le juge qui menaient l’enquête sur l’assassinat de Rafik Hari. D’où vient cet esprit aventurier ?
Je conçois ces expériences moins en termes d’aventure – même s’il est vrai que j’ai été dans des situations assez chaudes ; dans le Sud de l’Afghanistan, on m’a attribué non moins de 20 gardes de corps ! – qu’en termes d’engagement, une tradition familiale enrichie par mes années à l’EABJM. Ça a été le fil rouge de ma carrière jusqu’ici, que ce soit la création d’un gouvernement central dans les régions tribales de l’Afghanistan, la poursuite de la justice dans l’affaire Hariri au Liban, ou bien dans mes activités plus récentes en matière de politique migratoire et de comment penser la ville de demain. Je me souviens au lycée des longues soirées que j’ai passées entre copains au cours desquelles nous refaisions le monde. Eh bien, pas grand-chose a changé entre-temps, sauf que maintenant je suis plus en mesure de savoir comment nous allons le refaire (rires).
Et alors, comment procéder ?
Pour moi, le changement se passe dans un premier temps à travers l’écoute de l’autre, tout simplement. L’avenir qui se profile est très incertain. C’est un monde enthousiasmant dans lequel nous vivons, entre les progrès technologiques bouleversants et la baisse de pauvreté la plus importante qu’on ait jamais vue dans l’histoire. En même temps, il y a une forte colère chez beaucoup de gens, surtout dans nos sociétés. Il faut comprendre ce qui est à l’origine de cette émotion afin de pouvoir la faire passer, sinon vous risquez le désastre. C’est ce que je fais en ce moment pour le projet More in Common : essayer de comprendre la réticence de nos démocraties à offrir leur hospitalité aux réfugiés à travers les sondages et la sensibilisation.
Qu’est-ce qui serait votre conseil pour un.e lycéen.e à l’Ecole Jeannine Manuel ?
Je lui dirais qu’il ou elle a la chance d’être dans un environnement très privilégié, parmi des gens très intelligents et intéressants, et qu’il devrait en profiter. Les amis les plus proches que j’ai aujourd’hui sont ceux que j’ai rencontrés à l’école. Maintenant ils font tous des choses très différentes dans la vie, mais nous sommes tous unis par cette expérience passionnante que nous avons eue ensemble. La différence, c’est notre force – voilà la leçon que j’ai tirée des mes années là-bas.